Ce blog a pour vocation l'histoire d'Haussonville, de ses seigneurs et de son village. Des petits bouts d'histoire grappillés ici et là en fonction de mes découvertes et de la documentation que j'aurai pu assembler.

Rendez-vous également sur le blog : en passant par haussonville qui présente des articles sur Haussonville aujourd'hui et sur son territoire.

jeudi 23 mai 2019

L'eau à Haussonville


Savez-vous qu'il y a une Journée Mondiale de l'Eau ? C'était le 22 mars ;  Il y a tellement de journées de ceci et de celà qu'elle est sans doute passée inaperçue pour beaucoup d'entre nous, même si nous avons bien conscience de la chance que nous avons de pouvoir ouvrir le robinet et de la voir couler.

Alors, je vous propose un petit "flash-back" sur la période où il fallait la tirer du puits, si on en avait un, ou la chercher à la fontaine, voire même descendre jusqu'à la Moselle, comme on le verra ci-dessous. Cet article a été écrit avec l'aide de Philippe Maurer.

-----

L'historien Gérard Giuliato décrit ainsi la localisation d'Haussonville : "Haussonville s'accroche au flanc ouest d'un vallon creusé dans les marnes triasiques du plateau lorrain et drainé par le ruisseau des prés, affluent de la Moselle."

La présence de trois sources (ou de résurgences) est sans doute à l'origine de l'implantation d'Haussonville à cet endroit.

Les différents cartographes, agents voyers et autres dessinateurs de cartes sur Haussonville, ont du mal à s'entendre sur le noms de ces cours d'eau.

Les ruisseaux à Haussonville - d'après carte IGN sur Géoportail 

Les Haussonvillois parlent surtout du Mexet, mais sur les cartes du type IGN, Mexet est le nom que prend le ruisseau des Prés au-delà des limites du territoire d'Haussonville. La résurgence du ruisseau des prés se fait au nord-est du village.

Le ruisseau qui borde le vieux village est quelquefois appelé "ruisseau d'Haussonville" mais aussi "le Rupt". Il est rejoint au sud du village par le ruisseau "le Béhaie", nom d'une parcelle qui le borde, mais cette appellation est peu usitée.


N-O du village - résurgence du Rupt
Le ruisseau d'Haussonville longe, en amont du pont -à la sortie du village vers Damelevières- les terres que les Haussonvillois appellent "les chenevières" et auxquelles les familles qui y possédaient des parcelles, étaient très attachées. Cette appellation "chenevières" ne figure pas dans le cadastre ; le toponyme de cet endroit est "Amionprès" dont je ne connais pas la signification.


Chenevières = chanvre. Le travail du chanvre comportait une séquence de rouissage, de trempage dans l'eau. Les habitants étaient-ils autorisés à rouir le chanvre dans le ruisseau au risque de polluer l'eau pour les autres usages en aval ? Cela paraît douteux ; en tout cas, le conseil municipal, au 19e siècle, n'aborde jamais ce sujet. Si les cultures textiles étaient importantes dans les villages, les chenevières n'étaient pas obligatoirement consacrées à la culture du chanvre.


Le pont sur le Béhaie à l'entrée sud du village
Le ruisseau Le Béhaie ne figure pas sur toutes les cartes. Il longe le chemin des Plantes. Il est possible que ce nom de Plantes vienne des jeunes plants de vigne qui étaient mis en pépinières. Avaient-ils besoin du ruisseau ? J'ai  trouvé, dans l'ouvrage de Martine Maguin, qu'à la fin du moyen-âge de jeunes plants étaient placés dans un "marecaige" jusqu'au moment de leur mise en place. Ce n'est bien sûr qu'une hypothèse rendue possible par la présence avérée de vignes dans ce secteur.

Aperçu du petit étang sur le Béhaie - photo P.M.


Sur cette photo prise par temps de neige dans les années 60,  on aperçoit un petit étang que traversait le ruisseau du Béhaie. Il était proche de la route conduisant à Bayon et s'il, n'était pas un lieu habituel de pêche, le chat de Philippe Maurer lui avait révélé qu'il y avait du poisson !


Ruisseau des Près, ruisseau d'Haussonville sont encore bordés à certains endroits de vieux saules qui servaient sans doute à confectionner paniers, vans et autres "charpagnes" que l'on retrouve encore dans nos granges. Ces arbres nous permettent de repérer de loin les ruisseaux que  nous  connaissons mal puisqu'ils se trouvent dans des parcelles agricoles pas toujours accessibles. Espérons que ruisseaux et saules soient préservés le plus longtemps possible.

Les saules le long du ruisseau des Prés

Vous voyez sur la carte ci-dessus le réseau de ruisseaux qui  encercle la parcelle appelée l'étang. C'est bien à cet endroit qu'il y avait un étang très important qui alimentait un moulin appartenant aux seigneurs d'Haussonville.

Extrait carte 1635 sur Gallica
 Cet étang est cité dans un acte de la seigneurie d'Haussonville de1474.

En 1635, il a été bien repéré par les cartographes.

J'ignore à quel moment il a été asséché pour ne laisser place qu'au petit étang encore existant. Le moulin est resté en fonctionnement jusque vers l'année 1864 ; il est alors signalé comme étant hors d'usage dans les documents cadastraux. Il y avait encore une maison à cet endroit.
Le moulin - L'étang actuel ne semble pas exister
 cadastre 1894


Il est intéressant de consulter les toponymes des parcelles (Saulcy du vieux moulin -un autre moulin ?- Jardins de la grande fontaine) pour imaginer l'importance de ce ruisseau d'Haussonville pour les villageois. Mais vous voyez aussi sur la  carte IGN  "Rouge Fontaine" et "Fontenelle" qui évoquent également la présence d'une eau captée à proximité.


-----


Comment cette eau était-elle utilisée par les villageois ? On en a quelques idées à travers les délibérations du conseil municipal ; les lieux précis n'étaient pas cités, ce qui est très frustrant. Voici quelques éléments glanés aux Archives de Meurthe-et-Moselle.

Le Conseil délibère le 13 mai 1819 sur la nécessité de changer l'auge "servant d'abreuvoir, et recevant l'eau de la fontaine dite au bas du village" ; il est fait état de la sécheresse qui oblige à gérer l'eau au mieux.

cadastre 1894
3 jours plus tard, Le Conseil décide également de réparer le lavoir "venant d'eau de source et n'ayant pas de ruisseau à proximité", l'eau y est dormante, a une odeur sulfureuse et fétide qui se communique au linge ce qui nuit à l'état sanitaire des individus, qui faute de moyens, ne peuvent aller à la rivière de moselle, distant de plus d'une lieue". Est-ce ce lavoir qui figure encore sur le cadastre de 1894 ?

En 1821, le Conseil est en conflit avec un ancien maire, M. Olry, qui aurait détourné le ruisseau de Béhaie traversant sa propriété (actuellement maison d'accueil ) vers un réservoir privé qui aurait réduit son bon écoulement vers les auges à disposition des habitants.

Parmi les autres délibérations au 19e siècle concernant des équipements difficiles à localiser, citons :
- la construction d'une passerelle sur le ruisseau dit "le haut Ru" à la sortie est du village.
- la réparation en 1850, rue aux Voies (Grande-Rue), d'auges dont l'une contient le "vivier" (?) de la Commune.
-le remplacement des auges du "Ru de la Barre" (?) .

Dans les années 1860, l'installation d'un borne fontaine avait été projetée devant la maison commune. Le maire, vue l'urgence, en a fait l'acquisition et l'installation sur ses deniers personnels. Ce n'est que 8 ans plus tard que cette avance lui sera remboursée non sans difficultés.

J'ai encore relevé un projet en 1912 de contruction d'une fontaine publique rue Basse, alimentée par une conduite venant de la fontaine de la place du Château.

Les chevaux à l'abreuvoir de la place du château (carte postale Ph. Maurer)
Philippe Maurer se souvient que des bacs en béton avaient été installés rue Barbezan, alimentés par une conduite venant de la fontaine de la place du Château. Un lavoir aurait également existé près du pont menant à Damelevières.

Les seules traces qui restent aujourd'hui visibles sont le puits de la rue Haute et la fontaine de la place. Elle ne coule plus depuis longtemps mais elle est régulièrement fleurie, pour notre plus grand plaisir, par Luce Noël.

La fontaine place du château
Le puits rue Haute fleuri par Yolande

J'ignore à quel moment l'eau "courante" a été installée, peut-être au début des années 50 me dit Philippe Maurer.  Il serait bien intéressant d'en faire l'histoire...

Si aujourd'hui, elle coule bien à notre robinet, on retrouve les mêmes préoccupations qu'au 19e siècle : l'économiser dans les périodes de sécheresse récurrentes.


Si vous avez des témoignages à apporter pour compléter cet article, vous feriez plaisir à tout le montde !

Sources :
Cadastres napoléonien et de 1894, Archives de Meurthe et Moselle et Archives communales
Délibérations municipales, 19e siècle, Archives de Meurthe et Moselle
Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale - Gérard Giuliato, Maison des Sciences de l'Homme
La vigne et le vin - XIVe et XVe siècle, Martine Maguin, Presses Universitaires de Nancy
Un intéressant article sur les jardins et chenevières dans le village lorrain par Xavier Rochel, découvert lors de mes recherches sur les chenevières.

Photos Blanchart et Maurer, carte postale Maurer